Interview avec Future Palace au Hellfest 2025

Interview avec Future Palace au Hellfest 2025

4 juillet 2025 0 Par Nina

Parmi les décibels et les contrastes du Hellfest, certains groupes parviennent à capturer une forme de vulnérabilité brute dans un univers visuel puissant. C’est exactement ce que propose Future Palace, trio berlinois porté par l’intensité vocale de Maria Lessing, les textures ciselées de Manuel à la guitare et l’énergie de Johannes à la batterie.
Rencontrés après leur passage remarqué sur scène, les trois membres se livrent sans filtre sur leur rapport viscéral à la musique, les émotions comme moteur de création, et les liens parfois bouleversants tissés avec leur public. Entre rituels absurdes et confidences profondes, c’est une conversation sincère avec un groupe qui transforme douleur et chaos en catharsis sonore.

 

Le Hellfest est un lieu intense, presque sacré pour beaucoup d’artistes. Comment avez-vous vécu le fait d’y jouer cette année ?
Johannes : C’est notre deuxième festival en France, et je pense que c’est le plus grand. Le site est incroyable, l’ambiance est folle, et les groupes programmés sont géniaux. On est vraiment honorés d’avoir été invités. En plus, il fait super beau, tout est parfait.

Vos clips et visuels dégagent une esthétique très forte, sensible et marquante. Est-ce que vous imaginez déjà des images en créant la musique ?
Maria : Oui, complètement. Une fois qu’un morceau est terminé, j’ai toujours des images en tête. Je pourrais presque écrire le scénario du clip immédiatement, c’est déjà tout clair dans mon esprit.
Manuel : Pour moi, c’est plutôt l’inverse : ça vient de l’intérieur, mais en s’inspirant des images du monde extérieur.

Vous avez un rituel avant de monter sur scène ?
Johannes : Oui, mais c’est un peu bizarre (rires). C’est un délire allemand, une chanson humoristique sur les chiens qui s’appelle Unleash the Doggys. Le refrain dit : « Est-ce qu’il y a des chiens dans la salle ? », et avant chaque concert…
Maria : …on demande s’il y a des chiens, puis on se met à aboyer (rires).
Johannes : Ouais, on aboie tous les trois. C’est drôle, un peu bizarre peut-être, mais ça nous met dans l’ambiance.

Est-ce que des gens vous ont déjà dit que votre musique les avait aidés ?
Maria : Oui, à chaque fois que je discute avec quelqu’un, il y en a au moins un qui me dit que notre musique lui a fait du bien. Mais je n’aime pas quand on me dit qu’on leur a « sauvé la vie », parce que ce n’est pas nous. C’est eux qui se sont battus, eux qui ont survécu, c’est leur mérite. On les a juste accompagnés. C’est une connexion émotionnelle très forte, parce que nos morceaux sont intimes, sincères… mais ce n’est pas à nous de recevoir le crédit.
Johannes : Après les concerts, on reçoit souvent des mails ou des DM… L’un des messages les plus marquants, c’est un gars qui a écouté l’album et, en entendant les paroles sur les relations toxiques, il s’est reconnu dans le rôle de la personne toxique. Il a décidé d’essayer de changer. Quand j’ai lu ça, j’ai eu des frissons. On est juste trois personnes de Berlin, et nos textes peuvent amener des gens à réfléchir à leur comportement, à évoluer… C’est fou.
Maria : Ah, ça me revient… Une autre histoire. Mon oncle vit au Portugal, et il m’a écrit pour me dire qu’un de ses amis était décédé, et que sa fille, une grande fan de nous, trouvait du réconfort dans notre musique. En fait, je la connaissais un peu de loin, par des amis communs, mais je ne savais pas qu’elle écoutait notre groupe. C’était très touchant… Encore plus parce que c’était proche de ma famille. Et ça, ça vaut bien plus que de chanter sur n’importe quelle scène.

Quand vous écrivez, vous partez de quoi ? Un mot, une émotion, une image ? Ou quelque chose que vous voulez absolument transmettre ?
Manuel : C’est totalement différent selon les moments. Moi, je commence souvent par une instru. Maria ou les autres peuvent avoir des idées de paroles. On part rarement tous du même point.
Maria : Oui, ça dépend de la chanson. Parfois, j’ai déjà les paroles ou un concept clair. Par exemple, pour The Echoes of Disparity, j’avais tout en tête, donc j’ai juste écouté l’instru et j’ai calé mes émotions dessus. En général, j’écoute la musique, je ressens ce qu’elle me dit… ou je projette mes propres émotions dessus.
Manuel : C’est vraiment une question de ressenti, de vibration. On est un peu comme des éponges, l’environnement change tout le temps, alors tu prends ce qui t’inspire et ça déclenche une chanson. Pour moi, c’est souvent un état à moitié éveillé, à moitié inconscient… c’est dur à expliquer.
Maria : En vrai, la musique, c’est juste de la thérapie.
Johannes : Je pense que les meilleurs musiciens sont souvent des âmes tourmentées. Les musiciens heureux ne font pas toujours les meilleurs morceaux (rires).
Maria : Ouais, il faut que ça sorte de quelque part. Si tu ne le fais pas, tu ne te sens pas bien. Certains font du sport, d’autres dessinent (je dessine aussi), mais la musique, c’est le moyen le plus bruyant d’extérioriser tout ça. Il faut crier dans le vide.
Manuel : Et tout le monde parle ce langage, même sans le comprendre totalement. Il y a des gens qui ne vivent que par la musique.

Si vous deviez choisir une seule chanson de Future Palace, celle qu’on devrait absolument retenir, ce serait laquelle ?
Manuel : Hm… voyons si on pense à la même.
Johannes : Je pense que je vais dire une différente de tout le monde ici. Moi je choisis « Malphas ». On commence souvent nos concerts avec cette chanson. J’adore ce moment où on la lance, et on voit les réactions du public, surtout ceux qui ne nous connaissent pas encore. Elle montre vraiment notre force.
Manuel : Moi je choisirais « Paradise ».
Maria : Pareil. Je pense que c’est LA chanson qui nous représente le mieux. Et je l’aime toujours, ce qui n’est pas le cas de toutes. Il y a des morceaux que je réécoute des années plus tard en me disant : “Mais qu’est-ce que j’ai foutu là ?” (rires). Mais “Paradise”, c’est un titre intemporel, qu’on peut adapter à plein de contextes.

 

Dans l’arène brûlante du Hellfest, Future Palace n’a pas simplement livré un concert : ils ont créé un espace de vulnérabilité brute, où la douleur devient poésie et la rage une forme de guérison. Porté par la voix à fleur de peau de Maria Lessing, le groupe berlinois confirme que leur force réside autant dans leur puissance scénique que dans la profondeur émotionnelle de leurs textes.