All Washed Up, CHEAP TRICK
14 novembre 2025
Le retour éclairé de vétérans toujours affamés
Avec All Washed Up, Cheap Trick signe un album qui n’a rien d’un disque “lessivé” — malgré un titre volontairement ironique. Le groupe, fort de plusieurs décennies d’un rock aussi impertinent que fédérateur, renoue ici avec une créativité qui surprend par son aplomb. Entre riffs hérités des 70’s, refrains ciselés et énergie power-pop électrifiée, le quatuor prouve qu’il a encore beaucoup à dire, et surtout à jouer.
Un disque né d’une remise en route, pas d’une nostalgie
On raconte en coulisses que cet album est arrivé après une période de pause plus longue que prévu. Une fois remis en selle, le groupe s’est retrouvé avec une collection de morceaux écrits dans le feu de l’action, presque à l’instinct. Cette spontanéité, on la sent dès le morceau-titre “All Washed Up” : une entrée en matière crue, volontairement râpeuse, qui joue avec l’idée de l’épuisement… tout en démontrant l’exact inverse.
La suite confirme cette dynamique. “All Wrong Long Gone” prend des airs d’autocritique amusée, comme si le groupe se moquait de lui-même pour mieux repartir. Cheap Trick n’a jamais été aussi à l’aise que lorsqu’il se regarde dans le miroir sans filtre.
Des thèmes qui creusent le vécu : route, regrets, résilience
L’album ne s’enferme pas dans un seul ton. Il navigue entre la nostalgie lucide, les petites dérives du quotidien et cet humour pince-sans-rire qui fait partie de la signature Cheap Trick.
“Twelve Gates” apporte une gravité inattendue : un titre façonné autour d’images de seuils, de passages, presque de renaissance. Les arrangements y sont particulièrement soignés, entre guitares aériennes et lignes vocales qui s’envolent sans jamais forcer.
“Bad Blood” renoue avec l’électricité des années les plus nerveuses du groupe. Une montée en tension, une écriture qui attaque frontalement les relations qui se délitent, et un refrain qui claque comme une porte qu’on referme pour de bon.
“A Long Way To Worcester” joue la carte de la confidence. Une chanson de route, oui, mais surtout une réflexion sur ces villes qu’on ne fait qu’effleurer en tournée et qui finissent tout de même par laisser des traces.
Musicalement, le groupe jongle entre power-pop musclée, rock direct et petites touches mélodiques dont il a le secret. On sent l’envie de sonner moderne sans renier ce qui fait Cheap Trick depuis toujours.
Titres phares : quand l’efficacité rencontre la malice
“The Riff That Won’t Quit”
Impossible de passer à côté. C’est LA pièce où Rick Nielsen semble s’amuser le plus : le riff tourne, revient, s’entête, et finit par devenir le personnage principal du morceau. Les paroles, elles, s’amusent avec cette idée de création compulsive, comme si un simple motif pouvait rendre fou.
“Bet It All”
Mid-tempo accrocheur, porté par une ligne de basse décidée et un chant qui mise tout sur l’émotion. Cheap Trick sait écrire ce genre de morceau mieux que la plupart de ses pairs : simple dans la forme, précis dans l’impact.
“Wham Boom Bang”
Une fin d’album aussi directe que son titre. Tout est dans l’énergie brute : batterie sèche, guitares qui tirent droit devant, et une attitude presque punk qui rappelle que les quatre musiciens peuvent encore allumer une salle en moins de dix secondes.
Conclusion : Cheap Trick, pas si “washed up”
En définitive, All Washed Up est un disque vibrant, sincère, et étonnamment vigoureux. Cheap Trick y prouve qu’il est toujours capable de mêler sens mélodique, énergie brute et identité sonore marquée. Loin d’un baroud d’honneur, l’album s’impose comme un rappel cinglant : ces vétérans ont encore de la poudre à riffs, du cœur au ventre, et une envie indomptable de rester pertinents dans le paysage rock actuel.
Le groupe joue ce qu’il a envie de jouer, avec l’assurance tranquille de ceux qui n’ont plus rien à prouver, mais encore beaucoup à transmettre.
C’est un album solide, inspiré, animé par une vraie humanité. Un disque qui montre que Cheap Trick n’est pas un groupe qui vit dans ses archives : il vit dans l’instant. Et aujourd’hui, cet instant mérite qu’on y tende l’oreille.
Souvent imité, rarement égalé, Cheap Trick signe ici l’un de ses meilleurs albums tardifs — et peut-être même un futur classique pour les fans de la première heure.


