And Everything Was Dark, DOWNSWING

And Everything Was Dark, DOWNSWING

24 octobre 2025 0 Par Chacha

 

Avec And Everything Was Dark, Downswing signe un retour percutant et viscéral dans la scène metalcore, un disque qui s’écoute autant qu’il se subit. Après plusieurs années à affiner leur son, le groupe new-yorkais livre ici son œuvre la plus aboutie et la plus personnelle : un cri du cœur empreint de colère, de désillusion et de survie émotionnelle. Loin des clichés du genre, cet album explore la noirceur sous toutes ses formes — celle du monde, mais surtout celle qui nous habite. Chaque morceau devient une confession mise en musique, un combat entre la chute et la reconstruction, entre la rage et le désespoir.

 

Croquer l’ombre

Pour l’album And Everything Was Dark, le groupe Downswing forge une identité visuelle brutale et métaphorique : un animal noir aux crocs apparents sur fond rouge sang, figure d’une fureur contenue et d’une violence latente, incarne la rage et la douleur évoquées dans les titres.
Le choix d’un rouge intense — souvent réservé aux signaux d’alerte ou de danger — associé à l’animalité sauvage renforce l’idée que l’album explore la noirceur non comme décor mais comme réalité. Dans les clips et les visuels promo, cette imagerie s’accompagne d’une esthétique agressive et minimaliste : des plans courts, des textures crues, des éclairages contrastés qui traduisent l’état d’esprit « on ne cache rien ». Enfin, le packaging vinyle — décliné en splatter multicolore avec la même pochette — matérialise l’idée que la violence, même esthétique, peut prendre forme tangible dans l’objet-musical. Bref : l’identité visuelle de l’album fonctionne comme le visuel d’une chute dans les ténèbres et d’une confrontation directe avec ce qu’on y trouve — exactement ce que le groupe revendique musicalement.

Entre colère et clairvoyance : la forge sonore de And Everything Was Dark

Downswing a toujours puisé son énergie dans la tension entre rage et désespoir, mais avec And Everything Was Dark, le groupe pousse plus loin la recherche d’équilibre entre puissance brute et construction émotionnelle. Les influences se ressentent autant dans la lourdeur du metalcore classique — à la croisée de Knocked Loose, Varials et The Ghost Inside — que dans des nuances plus atmosphériques rappelant les textures sombres de Loathe ou Silent Planet. Les membres expliquent avoir voulu « raconter » plus que simplement frapper fort, en incorporant des variations rythmiques et mélodiques qui traduisent un état intérieur plutôt qu’une simple explosion sonore. Cette volonté narrative se reflète dans la dynamique de l’album : chaque morceau agit comme un chapitre d’un récit introspectif, entre lucidité douloureuse et refus de l’abandon.

Le processus d’écriture, amorcé pendant une période de remise en question profonde, a reposé sur une collaboration plus fluide que par le passé. Downswing a cherché à donner à chaque instrument une fonction expressive claire, en enregistrant dans un climat d’expérimentation contrôlée : réécriture des structures, recherche de textures organiques dans les guitares, et volonté de conserver la brutalité « live » dans le mix final. Le producteur (en étroite relation avec le groupe) a privilégié une approche frontale, refusant la surproduction au profit d’un rendu cru et authentique. Cette transparence sonore — couplée à une écriture sincère — fait de And Everything Was Dark un album viscéral, où chaque coup de caisse claire et chaque cri semblent venir d’un endroit réel, habité, et profondément humain.

Dans la gueule de l’ombre : traverser And Everything Was Dark

Dès les premières secondes de « No God to Me », je sens la tension monter : un riff tranchant, une batterie explosive, et cette voix qui semble hurler contre le vide — un rejet absolu de la foi, des repères, de tout ce qui rassure. L’agression sonore m’écrase, mais derrière la violence, il y a une lucidité froide. Puis « Emptiness Remains » me prend à la gorge ; le tempo ralentit, les guitares se font plus épaisses, presque suffocantes. C’est la douleur de la perte, du vide après la tempête. Sur « For What It’s Worth », la collaboration avec Travis Moseley ajoute une dimension dramatique : deux voix se répondent, entre accusation et résignation, sur un fond rythmique syncopé qui fait battre le cœur au rythme de la colère. Plus loin, « Drowned Out » me plonge littéralement sous la surface : le mix étouffé, les delays sur la voix, la basse saturée — tout donne l’impression de se noyer dans ses propres pensées. Et quand « Eternal » clôt l’album, je ressens à la fois l’épuisement et la libération : les guitares se font plus mélodiques, la batterie s’apaise, comme un dernier souffle après le chaos. Techniquement, tout est millimétré : les breakdowns sont calculés pour frapper sans lasser, les transitions respirent, les textures alternent entre compression et espace. Mais au-delà de la précision, c’est l’émotion brute qui domine — celle d’un groupe qui transforme la douleur en catharsis sonore, et qui me laisse, à la dernière note, vidée mais vivante.

 

And Everything Was Dark n’est pas qu’un album : c’est une expérience sensorielle, une descente dans les ténèbres dont on ressort différent. Downswing parvient à fusionner brutalité et sincérité avec une maîtrise rare, offrant un disque qui hurle la douleur sans jamais sombrer dans la complaisance. À travers ses riffs tranchants, ses cris déchirants et ses silences lourds, le groupe nous rappelle que la noirceur peut aussi être un moteur de résilience. Un album fort, honnête, et terriblement humain — le genre qui ne s’écoute pas en fond, mais qu’on affronte.