Interview avec Etienne du groupe Shaârghot au Hellfest 2025
18 juillet 2025 0 Par NinaParmi les formations les plus marquantes de l’édition 2025 du Hellfest, là où les tenues se fondent dans une mer noire de cuir et de sueur, il y a des groupes qu’on remarque avant même de les entendre. Shaârghot, c’est ça : un choc visuel, un uppercut sonore, une claque d’univers. Post-apo, cyberpunk, théâtral, leur monde ne se raconte pas, il se vit, il s’encaisse.
Shaârghot s’impose avec un univers visuel et sonore unique, mêlant metal industriel, électro ravageuse et esthétique post-apocalyptique débridée. Bien plus qu’un simple concert, le groupe propose une véritable performance immersive, où chaque détail scénique est pensé pour plonger le public dans un monde dystopique et théâtral. J’ai eu le plaisir d’échanger avec Etienne, le cerveau de cet univers mutant, pour parler musique, visuel, création, et… idées un peu folles.
Merci de m’accorder du temps.
Etienne : Avec plaisir.
Vous êtes l’un des groupes les plus marquants visuellement programmés pour le Hellfest. Pour ceux qui vous découvrent aujourd’hui, comment décrirais-tu Shaârghot ?
Etienne : Metal, électro, immersif. Après, on peut ajouter post-apocalyptique ou cyberpunk. C’est une histoire, un concept. Il y a des gros riffs très efficaces, du gros électro « boom boom », comme on dit. C’est difficile à vraiment définir. Le mieux, c’est de venir nous voir.
Merci pour la remarque sur le visuel. Parce qu’il y avait quand même des trucs plutôt costauds à l’affiche, genre Muse ou Korn, avec de très beaux visuels aussi !
Justement, vos concerts sont bien plus que de simples lives : de véritables performances avec mise en scène, personnages, un univers théâtral… C’est devenu le centre de votre identité. Est-ce que le groupe a été conçu dès le départ dans cette optique ?
Etienne : Clairement. C’est le centre de notre identité. Peinture noire, côté post-apo/cyberpunk… C’est indissociable de Shaârghot. Musicalement, ça évoluera toujours, parce que j’aime explorer des univers différents. Chaque morceau a ses influences, que ce soit de « Heilung », « Static-X », « Slipknot » ou « Pain ». Le dernier album est un bon exemple de ce gloubi-boulga sonore électro/metal.
Pour le visuel, ça ne peut que s’étoffer. Là, on est à 20 % de ce que j’aimerais faire. Mais bon, il faut plus de pyrotechnie, de décors en dur… et donc plus de camions. Peut-être un deuxième, un troisième, un quatrième… [rire] . Le seul frein, c’est le budget. Désolé, longue réponse pour dire : oui, ça va évoluer ! [rire]
Ah non mais c’est parfait, ça m’arrange les longues réponses !
Etienne : Parfait !
Comment naissent les idées créatives, tant pour le visuel que la musique ?
Etienne : Je m’ennuie beaucoup. [rire] Et comme rêver est encore gratuit, j’ai le temps de cogiter. Quand j’écoute de la musique, j’imagine souvent des images, des mises en scène. Je m’inspire de films, séries, jeux vidéos… Je secoue tout ça dans un shaker et je vois ce qui en sort. Des fois c’est à chier, parfois y’a un potentiel.
Ensuite, j’en parle avec les autres. Tout le monde est un peu technicien dans le groupe : deux lighteux, une ingé son… On bosse aussi avec notre équipe technique. Je donne des idées, ils les adaptent. Par exemple, ils peuvent proposer de bouger une scène, ajouter une douche de lumière ici, éteindre tout là pour plus d’impact… C’est une ébullition permanente. Ah, et je me nourris aussi de comics !
Justement ! Est-ce que vous imaginez faire évoluer Shaârghot au-delà de la musique ? Un jeu vidéo, une BD, une série ?
Etienne : Oui ! J’ai déjà une série en tête : deux saisons de 13 épisodes d’une heure… Tout est désigné dans ma tête, mais il manque les fonds. Peut-être dans 10 ou 20 ans.
Le jeu vidéo aussi, j’y pense. J’ai des potes dans le milieu, alors pourquoi pas un jour.
Et pour la BD, c’est très concret. Il y a déjà le « Compendium », le livre du lore de Shaârghot, en cours d’écriture. On peut en lire une partie sur le groupe Facebook « Shadow’s Army ». Il y a des fiches sur l’univers, les clans, les persos. Je prévois de publier tout ça en format physique, avec des règles pour en faire un jeu de rôle.
Oh, c’est cool !
Etienne : Oui, donc d’abord le JDR, ensuite une BD. J’ai déjà écrit plusieurs petits scénarios. Ça pourrait devenir un recueil d’anecdotes de l’univers. Affaire à suivre.
Il y a matière de toute façon !
Etienne : Oui, et encore une fois, j’ai du temps pour m’ennuyer, donc j’ai du temps pour créer ! [rire]
Quelle est l’idée la plus bizarre que tu aies eue, mais que tu as finalement abandonnée ?
Etienne : Oula… Une seule ?[rire] Allez, un exemple : j’ai proposé à Bruno (notre gratteux) de louer des échafaudages pour la scène, avec des structures accrochées… Il m’a sorti le poids, les remorques, le budget… Et là j’ai compris : ok, trop cher. Donc le problème, c’est pas mon imagination, c’est le budget !
Donc Bruno, c’est le gars qui tempère ?
Etienne : Oui, exactement. Je suis la boîte à idées, il est le gars qui dit « le budget, s’il te plaît ! » Il gère le groupe comme un manager, il met la pression pour rester réaliste.
Genre « C’est une super idée, mais pas tout de suite ! »
Etienne : C’est ça ! « C’est bien, mais… »
Est-ce qu’il y a un lieu improbable où tu rêverais de jouer ?
Etienne : Ah ouais ! Par exemple, près de Paris, il y a un ancien centre d’essais nucléaires. C’est clean maintenant, hein ! [rire]. Mais l’endroit est fou, ambiance incroyable. Le souci, c’est qu’il faut louer la scène, le matos… Encore une idée géniale mais trop chère.
J’ai repéré plein d’endroits abandonnés, légalement exploitables. Mais toujours pareil : le budget !
Ouvre un Tipeee !
Etienne : Ouais, mais avec moi c’est un puits sans fond [rire]. Mais au moins, vous saurez où part l’argent : « Tiens, il a construit une cathédrale avec des boîtes de conserves ! » « Oui. »
Ta musique est un mélange de plein de genre différents, comme on en a parlé, mais est ce que tu considères que tu a une identité propre ?
Etienne – visuellement tu veux dire ? visuellement maintenant on a notre identité qui est vraiment définie, ça a mis 1 an ou 2 a se chercher, histoire de comprendre un peu comment ça s’accepte et tous ça, mais pour moi oui, j’ai même désigné a quoi ressemblait la cité ruche, je sais a peu près a quoi ça ressemble, les siècles qui sont passée depuis notre aire . en gros ça ce passe 3 siècles après notre époque, donc on en est au contexte post 3ème guerre mondiale.
Votre univers est post-apo, dystopique, cinématographique, presque tiré d’un comics. Est-ce que vous composez votre musique avec une histoire à raconter en tête ?
Étienne : Non. Quand je compose les musiques, je ne raconte pas forcément l’histoire, parce que ça voudrait dire que le personnage aurait conscience d’être dans une histoire, donc il serait narrateur. Or, il ne l’est pas. Il raconte plutôt des éléments de la vie du quotidien dans la Cité-Ruche. Il y a des éléments qui laissent voir l’avancée de l’histoire, donc il y a un peu de ça, mais on n’est pas dans une narration complète.
C’est des petits détails qu’on va retrouver dans ce qu’il dit, ou même dans des faux samples de JT télé ou de radio qui viennent directement de la Cité-Ruche. Le but, c’est d’être immersif. Par exemple, l’intro de Volume 3, c’est un ensemble de zapping télé qui parle un peu de ce qui se passe à ce moment-là. Chaque album, en fait, c’est une avancée chronologique dans la même histoire. Mais y’a pas forcément beaucoup de choses qui en parlent directement dans l’album, parce que le personnage fait de la musique quand ça lui chante, ou quand ça lui plaît, sans forcément parler de ce qu’il vit tout de suite.
Quel est le retour le plus étrange que vous ayez reçu d’un fan après un concert ?
Étienne : On en a eu de toutes sortes. Y’a des gens qui nous ont dit que ça leur avait littéralement procuré un orgasme de nous voir jouer sur scène [rire]. Ma foi, pourquoi pas, tous les goûts sont dans la nature…Après, ça va de plein de trucs différents : y’a les gens qui viennent maquillés comme nous, habillés comme nous à nos concerts, des fanarts… Et puis dernièrement, j’ai vu quelqu’un dans les pogos, avec un carnet de dessin, en train d’essayer de nous dessiner tout en se faisant malmener [rire]. J’ai trouvé ça particulièrement original, pour le coup. Mais ouais, on a pas mal de choses un peu loufoques dans notre public, et je trouve ça vraiment génial. On n’est pas face à un public qui regarde et subit le concert, on est face à un public qui participe à tout ce « joyeux bordel », et ça, c’est vraiment cool. Donc si je devais dire un mot à notre public : changez rien, continuez à être comme vous êtes, c’est génial pour nous. Kiffez, et faites-nous kiffer.
Et quelques mots sur votre concert du Hellfest ? Et peut-être un dernier mot pour le public qui vous a vus aujourd’hui ?
Étienne : [rire] Le concert s’est déroulé à peu près comme les autres, j’dirais. On avait l’excitation du fait que c’était une date un peu particulière, avec beaucoup de monde. Et on a été particulièrement surpris du nombre de personnes.
La dernière fois qu’on avait joué à 11h du matin, c’était déjà plein, donc on s’est dit que ça pouvait pas être moins plein. Peut-être un peu plus de monde, on espérait… Mais on s’attendait pas du tout à ce qu’il y ait autant de monde. J’ai jamais vu des pogos qui commencent dans la Temple et qui finissent dans la Altar. Jamais vu ça. Même de mémoire de festivaliers – et ça fait longtemps que je fais le Hellfest – j’ai jamais vu un public qui déborde comme ça. Y’avait des gens jusqu’à l’entrée du fest.
La dernière fois que j’ai vu un truc un peu comme ça, c’était pour The Hu, y’a deux ans. Et encore, les gens se sont vite barrés parce qu’ils voyaient rien. Là, les gens voyaient pas super bien, entendaient pas forcément tout, ils étaient en plein cagnard… et ils sont restés du début à la fin. Donc je comprends pas trop, en vrai [rire]. Les conditions étaient pas ouf, et ils sont quand même restés. C’est impressionnant, vraiment.
J’ai pas d’autre mot que merci. C’est ouf ce qu’il s’est passé. Merci à eux d’être restés tout le long. Et on espère que si on revient, ce soit sur une Mainstage, et de nuit [rire].
C’est aussi pour ça qu’on voulait rejouer sur la Temple : parce qu’on savait que si on jouait en journée, au moins on aurait de l’ombre, donc ça permet de faire des jeux de lumières. Mais là, clairement, si on revient, faudra que ce soit de nuit. Et sous la Temple, c’est plus vraiment possible vu comment on la blinde [rire]. C’est trop cool, je suis vraiment ravi. Donc merci, merci à eux, et on espère les revoir très prochainement dans les salles… et dans les fest !
Shaârghot, c’est bien plus qu’un groupe : c’est un univers en constante expansion, nourri d’influences multiples, de visuels ciselés et d’ambitions artistiques sans limites. Derrière la peinture noire, les guitares abrasives et l’esthétique post-apo, Shaârghot, c’est avant tout une machine en perpétuelle mutation, nourrie par une imagination débordante, un amour sincère pour le détail et la narration et une passion contagieuse. Rien n’est figé, tout est à inventer. Un concert devient une expérience totale, un album un fragment d’histoire, un projet un monde à bâtir.
Que ce soit sur scène, en BD, en jeu de rôle ou peut-être un jour en série..–Et même si le budget reste l’ennemi numéro un des idées les plus folles– une chose est sûre : tant que Shaârghot aura des insomnies, il continuera à écrire l’après. Celui où le chaos est beau, bruyant, viscéral — et furieusement vivant.
une chose est sûre : Shaârghot n’a pas fini de faire muter la scène alternative. Gardez un œil sur eux… et même les deux.
Vous pourrez les retrouver prochainement:
samedi 09 août 2025. CERCOUX Festival 666
vendredi 26 septembre 2025. NICE Stockfish
vendredi 24 octobre 2025. ISSOUDUN Firemaster Convention