A to H, NOFX
5 décembre 2025 0 Par Chacha
A to H : l’autopsie lucide d’une anarchie parfaitement maîtrisée
Avec A to H, NOFX livre un disque qui tient autant de la capsule temporelle que du manifeste punk. Le groupe californien assemble ici démos inédites, titres live et compositions plus récentes pour offrir une photographie brute de son ADN musical — entre sarcasme, conscience politique décomplexée et mélodies qui claquent comme une batte en plein plexus. Loin d’être un simple assemblage d’archives, A to H fonctionne comme un mini-album cohérent, presque conceptuel : un récit fragmenté de quatre décennies de punk, vu par ceux qui l’ont fait grandir.
Genèse : un puzzle punk à l’honnêteté désarmante
Si la plupart des formations compilent leurs chutes de studio pour capitaliser sur leur légende, NOFX préfère désosser ses années de chaos créatif. A to H est né d’une volonté de rassembler des morceaux souvent joués, parfois fantasmés, mais jamais réellement mis en lumière. Entre démos à nu, versions live chahutées et compositions tout juste sorties du four, l’album expose sans fards les failles, les éclats et la spontanéité qui ont façonné le groupe.
On retrouve cette énergie sans maquillage dans leurs démos “Don’t Count on Me” ou “Generation Z”, où les aspérités de l’enregistrement deviennent presque un élément narratif, rappelant qu’avant d’être un symbole, NOFX reste avant tout un groupe qui se construit dans l’erreur et le fun.
Thématiques : chronique d’un monde qui brûle en rigolant
Toujours aussi acerbe, Fat Mike continue de disséquer les travers modernes avec cette ironie qui fait la marque du groupe. “Everything in Moderation (especially moderation)” pousse encore plus loin le principe du paradoxe cher à NOFX : un humour en apparence potache qui masque une vraie réflexion sur l’obsession sociétale du contrôle et de l’équilibre.
Le nihilisme joyeux revient sur “Cigarette Girl”, titre où les vignettes sociales dégénèrent en une satire sur la dépendance — pas seulement au tabac, mais à toutes ces petites échappatoires qui donnent l’illusion d’un cap à tenir.
Et puis il y a la charge générationnelle de “Generation Z”, texte lucide sur le présent désorienté et les héritages pourris légués aux plus jeunes, traité avec la tendresse désabusée typique de Fat Mike.
Les titres phares : quand NOFX se raconte sans détour
“The Audition” – L’équilibre parfait entre urgence et mélodie
En ouverture, “The Audition” résume tout le savoir-faire du groupe. Riffs rapides, basse bondissante comme un élastique trop tendu, changements de cadence aussi nerveux qu’imprévisibles… Musicalement, c’est un condensé de skate-punk vitaminé. Côté paroles, Fat Mike joue avec l’idée de se présenter devant un monde qui juge, comme si chaque morceau était une audition permanente. Résultat : un titre d’ouverture incisif, presque autobiographique.
“Barcelona” – L’échappatoire solaire devenue confession amère
“Barcelona” surprend par son groove mid-tempo et ses mélodies plus lumineuses, presque pop-punk. On y retrouve l’art de NOFX de mêler escapade touristique et malaise intérieur : derrière la carte postale catalane se glisse une réflexion sur l’impossibilité de fuir ses propres démons, même dans la ville la plus festive du monde.
“Fleas (live at MySpace)” – Le chaos maîtrisé
Enregistré live, “Fleas” sonne comme un rappel de ce que le groupe est sur scène : imprévisible, corrosif, drôle malgré lui. La prise brute, parfois approximative, renforce l’authenticité du titre. Les paroles, mi-grotesques, mi-existentielles, jouent sur les proportions absurdes que NOFX affectionne depuis toujours.
“Hardcore 84” – L’hommage aux racines
Clôturant l’album, “Hardcore 84” rend hommage à l’ère qui a forgé le groupe. Tempo fou, riffs abrasifs, voix crachée : une lettre d’amour cynique à l’époque où tout semblait possible… ou foutu. C’est le morceau le plus radical du disque, et probablement celui qui parlera le plus aux puristes.
A to H n’est pas un nouveau départ pour NOFX — c’est un rappel. Un rappel que le punk n’a jamais été une histoire de perfection mais de sincérité, de maladresse glorieuse et de rage ludique. Entre nostalgie, humour corrosif et lucidité sociale, le groupe prouve qu’il sait se réinventer sans renier ce qui fait son identité.
Une petite tranche de chaos assumé, mais une grande leçon de punk.


