Interview avec Kostas Alexakis, batteur d’Acid Death

Interview avec Kostas Alexakis, batteur d’Acid Death

11 décembre 2025 0 Par Chacha

Avec Evolution, Acid Death revient frapper fort en proposant l’un des albums les plus aboutis et introspectifs de sa carrière. Figure incontournable de la scène metal grecque depuis plus de trois décennies, le groupe n’a jamais cessé de se réinventer sans perdre l’essence de son identité. À l’occasion de la sortie de ce nouvel opus, nous avons échangé avec Kostas Alexakis, batteur et membre fondateur, pour évoquer la genèse de Evolution, son processus créatif, la vie en tournée et sa vision de l’évolution de la scène metal moderne. Entre lucidité, passion et humilité, Kostas nous plonge dans les coulisses d’un album qui porte son nom à merveille.

 

Evolution marque-t-il une rupture ou une continuité dans votre discographie ? Qu’avez-vous voulu exprimer cette fois-ci ?
C’est clairement une continuité. Le sujet, en revanche, est différent. Cette fois, nous avons adopté une approche thématique autour du concept d’évolution, et de la manière dont elle nous a façonnés — en tant qu’individus et en tant qu’espèce — à travers les millénaires.

Quel a été le déclencheur qui a motivé l’orientation artistique ou sonore de cet album ?
Comme toujours, nous servons avant tout la musique que nous voulons créer. Le but n’est pas de faire quelque chose de complexe ou de technique pour le principe. L’objectif est de composer une musique qui accompagne naturellement les histoires que nous voulons raconter, afin que les auditeurs profitent autant des textes que des morceaux.

Y a-t-il un titre sur l’album qui a particulièrement évolué entre la première démo et la version finale ?
Pas vraiment. La plupart des idées arrivées en studio sont restées intactes. Bien sûr, on retravaille certains passages qui ne « rentrent » pas parfaitement, mais aucun morceau n’a subi de transformation majeure.

Peux-tu partager une anecdote mémorable survenue pendant l’enregistrement d’Evolution ?
L’enregistrement lui-même a été très fluide. Nous savions exactement ce que nous voulions et comment le faire. À l’opposé, le mixage et le mastering ont été extrêmement difficiles ! Il y avait tellement de pistes par morceau qu’il était compliqué de tout faire fonctionner ensemble. Mais Savvas, qui s’est occupé de tout ça, a fait un travail incroyable.

Comment s’est déroulée la dynamique d’écriture entre les membres du groupe ?
Comme d’habitude. Chacun peut apporter des idées, des paroles ou des parties musicales, et nous voyons si elles peuvent s’intégrer à ce que nous voulons créer. Si quelque chose fonctionne, nous le façonnons pour l’intégrer au morceau.

Le titre Evolution suggère un changement — qu’est-ce qui a le plus évolué au sein d’Acid Death ces dernières années ?
Beaucoup de choses. Nous évoluons tous chaque jour. Tu n’es jamais exactement la personne que tu étais une semaine auparavant. Notre vie quotidienne, nos expériences, tout cela nous transforme. Il en va de même pour nous : on grandit, nos priorités changent, notre manière de penser aussi — et cela se reflète dans notre musique. Le style Acid Death reste reconnaissable, mais des nuances montrent clairement l’évolution.

Quel message — explicite ou non — aimeriez-vous que les auditeurs retiennent après avoir écouté l’album ?
Il n’y a rien d’explicite. Nous voulons simplement offrir une perspective globale sur ce qui change et comment, à travers les thèmes que nous abordons sur l’évolution, pour pousser les gens à réfléchir.

Quelle est la plus grande différence entre vos premières tournées et celles d’aujourd’hui ?
Aujourd’hui, tout est plus détendu. Au début, tu ne sais pas encore comment tout fonctionne, qui fait quoi… Avec le temps, tu t’habitues, et tu te synchronises avec l’équipe qui tourne avec toi, ce qui rend les choses beaucoup plus simples.

Qu’est-ce qui est le plus difficile en tournée : la fatigue, la logistique ou… les autres membres ?
Je n’ai jamais eu de problème avec les autres membres, du moins pour ma part. Tout le monde est là pour jouer et passer un bon moment. Ce sont la logistique et la fatigue qui sont les vrais défis. Sans roadies, tu dois tout faire toi-même, puis monter sur scène comme si tu n’avais rien fait de la journée. Après deux ou trois jours, ça pèse vraiment !

Avez-vous un rituel avant les concerts, individuellement ou en groupe ?
Nous nous échauffons tous et essayons d’entrer dans le bon état d’esprit. Il n’y a rien de collectif. Chacun se prépare à sa manière, puis on y va.

Quel est ton meilleur et ton pire souvenir lors d’un long trajet en tournée ?
Il y en a beaucoup. Le meilleur, c’est probablement de voir des très jeunes fans à nos concerts ! C’est incroyable de voir des gamins découvrir le metal grâce à nous et aux autres groupes présents.
Les pires souvenirs ? Les espaces minuscules, l’absence de douche, les mauvaises salles, les instruments cassés… En tournée, tout ce que tu penses qui pourrait arriver… arrivera !

Comment gardez-vous votre motivation malgré l’intensité des déplacements et des concerts ?
On se rappelle que c’est ce que nous voulons faire, que c’est notre place. Ça ne marche pas toujours, mais il faut persévérer.

Y a-t-il un public ou une ville qui vous surprend toujours par son énergie ?
Le public grec est de loin le meilleur. Le soutien ici est immense, c’est toujours incroyable. L’Allemagne et la France aussi ! Beaucoup de gens aiment notre musique là-bas, c’est génial.

Comment percevez-vous l’évolution de la scène metal ces dix dernières années ?
Elle a énormément évolué. Les technologies et Internet ont donné aux musiciens des outils accessibles pour créer sans devoir louer des studios ou acheter du matériel coûteux. Résultat : beaucoup de groupes émergent et proposent des choses très différentes. Cette diversité influence la musique, qui évolue en permanence. Ce n’est plus comme à l’époque où tu n’entendais que ce qui passait à la radio ou dans quelques médias traditionnels.

Quels jeunes groupes ou artistes actuels t’inspirent ou attirent ton attention ?
Personnellement, deux groupes que je suis de près sont Sleep Token et Igorrr. J’adore leur approche personnelle et leurs expérimentations. Ils apportent quelque chose de nouveau et d’unique.

Que penses-tu de la montée en puissance du streaming dans le metal ?
C’est inévitable. Les modes de diffusion évoluent. D’un côté, cela permet de toucher des gens qu’on n’aurait jamais atteints. De l’autre, cela rend tout plus impersonnel. Avoir un support physique reste incomparable par rapport à un simple fichier perdu dans un coin de ton disque dur.

Selon toi, quel est le plus grand défi pour un groupe de metal aujourd’hui ?
Être reconnu par un large public. Il y a tellement de bons groupes aujourd’hui que trouver sa place est difficile. Tout le monde a des productions de bon niveau et de bonnes compositions. Pour se démarquer, il faut du temps, de l’argent et beaucoup de travail, avec le soutien d’une agence de promo.

Avez-vous déjà vécu un moment improbable sur scène ou en backstage ?
Oui ! Tous les groupes ont vécu ça. Il y a de nombreuses années, lors d’un concert à Athènes, une panne d’électricité totale a plongé la salle dans le noir complet pendant plus de vingt minutes !

Quelle est la situation la plus drôle (ou la plus embarrassante) vécue avec un fan ?
En 2014, à Bitondo, en Italie, lors d’un festival. Un Italien complètement ivre est venu nous voir, persuadé que nous étions Napalm Death (!!!), qui avaient annulé leur concert. Il était furieux et voulait absolument savoir pourquoi nous avions « annulé notre show »…

Si Acid Death pouvait collaborer avec un artiste d’un genre totalement différent, qui choisiriez-vous ?
Personne en particulier en tête, mais nous avons déjà collaboré avec des artistes venant d’autres univers. Ces expériences nous offrent toujours beaucoup d’idées pour nos futures expérimentations. Instruments grecs traditionnels, saxophone… tout est possible. Si je pouvais travailler avec un artiste classique ou électronique, je foncerais : je sais qu’on pourrait créer quelque chose d’intéressant !

Une question que tu aimerais qu’on te pose un jour… et ta réponse ?
« Est-ce facile de gérer un groupe de Rock and Roll ? »
Réponse : bien sûr que non !

Le mot de la fin — un message pour vos fans français ?
Merci à toutes et à tous d’avoir pris le temps de lire mes réponses. J’espère sincèrement que vous écouterez notre nouvel album. Nous l’avons fait pour vous. Soyez bénis, en bonne santé, en sécurité. Prenez soin de vous, et on se voit sur la route.

 

Avec Evolution, Acid Death prouve une nouvelle fois sa capacité à concilier identité et transformation, brutalité et réflexion. Loin de chercher à suivre une tendance, le groupe poursuit un chemin sincère, nourri d’expérience, d’humanité et d’une envie constante de se dépasser. À travers les paroles de Kostas Alexakis, on mesure à quel point cet album est l’aboutissement d’un long parcours artistique autant qu’un nouveau point de départ. Nul doute que Evolution saura trouver un écho fort chez les fans français et au-delà.