Parallel Frame, MOONBALL
7 novembre 2025 0 Par Chacha
Avec Parallel Frame, MOONBALL propose un EP qui s’écoute comme un face-à-face silencieux avec soi-même. Cinq titres tissés d’ombres, de résonances et de mouvements imperceptibles, où la voix et les textures électroniques deviennent le miroir d’un état intérieur que l’on peine souvent à nommer. La pochette comme les clips installent d’emblée cet espace suspendu : silhouettes floues, paysages indéfinis, lumière diffuse — rien n’est net, tout glisse, tout respire. Ce n’est pas un disque qui cherche à séduire d’emblée ; c’est un disque qui ouvre une porte et attend que l’on choisisse, ou non, d’entrer.
Se regarder jusqu’à se reconnaître
Le groupe a composé cet EP avec l’idée d’affronter son propre reflet, non pour se comprendre, mais pour accepter qu’on change sans cesse. L’écriture est née de maquettes très épurées, composées tard le soir, où la voix a d’abord servi de texture avant de devenir sens. La production travaille les nuances : synthés texturisés, guitares aérées, basses qui respirent, batterie qui garde toujours un pas de distance. Le son n’enveloppe pas : il entoure, comme une pièce où chaque bruit a son écho.
L’ouverture, The Mirrors I’ve Made, est le morceau manifeste. La structure progresse lentement, comme si elle cherchait sa propre forme au fur et à mesure. Les nappes synthétiques oscillent entre douceur et tension, pendant que la voix semble se parler à elle-même. À l’écoute, j’ai l’impression d’entrer dans une pièce où je me serais déjà trouvée, mais dont je ne me souviens pas.
Echoes amplifie ce vertige. Le morceau joue sur la répétition, sur ces phrases qu’on se répète pour se convaincre, ou pour ne plus sentir. Les percussions sont retenues, presque en apnée. C’est un morceau qui me laisse suspendue, comme si le sol se dérobait légèrement sous mes pieds.
Seahaven, lui, ouvre l’espace. Les guitares y deviennent liquides, lumineuses, même si la mélancolie reste la colonne vertébrale. J’y ressens cette sensation étrange de regarder une ville que je n’ai jamais visitée, mais que je connais intimement. Le refrain ne cherche pas l’impact immédiat : il s’infiltre.
Dying To Know est sans doute le morceau le plus viscéral. Les lignes vocales y touchent une zone fragile, presque nue. C’est une confession tenue sur un fil, sans pathos, juste la nécessité de dire. J’y ressens dans ma poitrine ce mélange d’abandon et de résistance qu’on éprouve quand on accepte d’être vulnérable devant quelqu’un.
Enfin, Shifting Shadows referme l’EP comme une porte qu’on ne claque jamais. Le morceau se déploie comme une marche lente dans un couloir sombre, avec une lumière au bout qu’on ne cherche pas forcément à atteindre. Il ne résout rien. Il laisse flotter. Et cette absence de réponse, paradoxalement, apaise.
À l’écoute de Parallel Frame, je ne reste pas spectatrice. Je suis dedans. Je suis l’ombre, la respiration, la voix qui hésite avant de s’ouvrir. Cet EP ne cherche pas à convaincre. Il accompagne. Il se dépose. Et il reste — longtemps après que le silence est revenu.
À travers The Mirrors I’ve Made, Echoes, Seahaven, Dying To Know et Shifting Shadows, Parallel Frame explore les zones mouvantes de l’identité, ces instants où l’on ne sait plus très bien qui l’on est, ni ce que l’on laisse derrière soi. Rien n’est surjoué : les émotions y avancent masquées, les arrangements murmurent plus qu’ils ne déclarent, et c’est précisément ce qui donne à l’ensemble sa force fragile. En fermant l’EP, je me trouve changée, sans pouvoir dire comment. Peut-être un peu plus sincère avec ce qui remue en moi. Peut-être juste un peu plus vraie.
MOONBALL ne livre pas un manifeste : il tend un reflet. Libre à nous d’oser le regarder.


