A Heart Is A Heavy Burden, HEAVENSGATE
24 octobre 2025 0 Par Chacha
Il y a des groupes qui cherchent à séduire, et d’autres qui préfèrent percuter. Heavensgate appartient clairement à la seconde catégorie. Originaire de Melbourne, le quintet forge depuis ses débuts un metalcore abrasif, viscéral, souvent teinté d’éléments deathcore, mais toujours animé par une intensité émotionnelle rare. Avec A Heart Is A Heavy Burden, leur nouvel EP sorti via Pure Noise Records, le groupe franchit une étape majeure : celle de la maturité et de la cohérence. En six morceaux seulement, Heavensgate livre une œuvre à la fois féroce et introspective, où la brutalité du son se mêle à la fragilité du sentiment humain. Une claque sonore, mais aussi un fardeau émotionnel — fidèle à son titre.
Une esthétique entre ciel et fardeau : la dualité visuelle d’A Heart Is A Heavy Burden
L’identité visuelle de cet EP reflète parfaitement le paradoxe central du projet : la beauté et la douleur, le poids et l’élévation. La pochette, dominée par des teintes brumeuses et des textures organiques, évoque une sensation d’étrangeté douce, presque spirituelle — un cœur suspendu entre la chair et l’éther. On y perçoit cette tension entre la lourdeur du titre et la légèreté du visuel, comme si le groupe cherchait à représenter le moment précis où la souffrance devient transcendance. Les clips qui accompagnent l’album prolongent cette idée : lumières froides, plans serrés, symbolisme religieux détourné et chorégraphies de rage contenue traduisent un univers à la fois céleste et claustrophobe. Heavensgate façonne ici une imagerie cohérente, où chaque élément visuel agit comme une extension du son — brut, sincère et intensément émotionnel.
Entre chaos et clarté : les rouages d’une création viscérale
Musicalement, A Heart Is A Heavy Burden s’inscrit dans la lignée d’un metalcore moderne nourri de multiples influences — du hardcore le plus abrasif au deathcore le plus cathartique, en passant par des touches ambient et post-metal qui apportent une respiration bienvenue. Heavensgate semble puiser autant chez des groupes comme Knocked Loose ou Loathe que dans la noirceur mélodique d’un Deftones ou d’un Northlane. Cette hybridation donne naissance à un son dense et contrasté : une brutalité frontale, mais sans jamais renier la texture ni la nuance. Les guitares se font tantôt tranchantes, tantôt atmosphériques, tandis que la section rythmique impose une intensité continue. Derrière cette violence maîtrisée, on sent une recherche d’équilibre entre technique et émotion — comme si chaque breakdown ou montée en tension devait servir un récit intérieur plus vaste.
Forger le poids du cœur : un processus collectif et organique
L’écriture et la production de l’EP témoignent d’une véritable alchimie de groupe. Heavensgate a adopté une approche collaborative où chaque membre a contribué à traduire des expériences personnelles en matière sonore. Les sessions d’enregistrement, menées dans un esprit presque cathartique, ont cherché à capturer l’énergie brute du live tout en peaufinant les textures pour en tirer une dimension presque cinématographique. Les voix ont été travaillées comme un instrument à part entière : rugissements, murmures et cris résonnent comme des échos d’une même douleur. Le mix, précis sans être stérile, met en valeur cette tension entre chaos et contrôle. Ce processus, à la fois instinctif et réfléchi, a permis au groupe de transformer la lourdeur émotionnelle évoquée par le titre en une œuvre sonore cohérente — un cri collectif transformé en catharsis musicale.
Sous le poids du cœur : un voyage sonore entre rage et rédemption
Dès les premières secondes de Burden of Being, je sens une vague me frapper — une déferlante de riffs tranchants et de percussions implacables qui me plongent dans une tension presque physique. Tout est brut, sans filtre, comme si Heavensgate voulait me faire ressentir le fardeau qu’ils portent avant même de le raconter. Puis vient Oblivion, et la colère se transforme en vertige : la voix s’y déchire, les guitares se tordent, et je me perds dans cette spirale de désespoir lucide. Avec Petrichor, le ton change ; plus atmosphérique, plus suspendu, le morceau m’enveloppe dans une pluie lente où chaque note semble pleurer. Darling Blue me prend à contre-pied — sa douceur fragile me bouleverse, comme une lueur de tendresse au milieu du chaos. Enfin, A Fawn Flayed me laisse vidée, mais étrangement apaisée : c’est la tempête qui s’éteint, le cœur encore lourd mais vivant. Techniquement, tout y est millimétré — la précision des transitions, la richesse des textures, la dynamique des voix — mais c’est surtout la sincérité du son qui marque. À travers ces morceaux, Heavensgate ne cherche pas seulement à impressionner : ils m’obligent à ressentir, à affronter ma propre lourdeur intérieure.
A Heart Is A Heavy Burden n’est pas un simple déchaînement de riffs et de cris. C’est un cri du cœur, une catharsis mise en musique, le témoignage d’une génération qui porte son chaos comme un emblème. Heavensgate parvient ici à canaliser sa fureur sans jamais la diluer, à rendre sa violence signifiante. Entre dévastation sonore et clairvoyance émotionnelle, cet EP s’impose comme une pièce charnière dans la jeune discographie du groupe — et une preuve que le metalcore contemporain peut encore être à la fois destructeur et profondément humain.

