Deux, MOUNDRAG
17 octobre 2025 0 Par Chacha
Trois ans après l’explosion organique de Hic Sunt Moundrages, Moundrag revient avec Deux — un titre à la fois simple et symbolique. Deux, comme la dualité qui habite leur musique : la lumière et l’ombre, la puissance et la transe, la chair et le cosmos. Deux, aussi, comme le cœur même de ce projet fraternel : Camille et Colin Goellaën Duvivier, bâtissant un mur de son sans guitare, mais avec une ferveur quasi mystique.
Ce nouvel album, sorti chez Spinda Records, étire le champ sonore du duo. Il mêle orgues hurlants, chœurs célestes, percussions telluriques, et quelques invités bien choisis, pour une odyssée psychédélique où le vintage se frotte à la démesure. Deux est une traversée : intense, viscérale, souvent cinématique. Un disque qui exige — et récompense — l’écoute entière.
Cosmos organique : l’esthétique visionnaire de Deux
Avec Deux, Moundrag affirme une identité visuelle à la croisée du fantastique et du mystique. La pochette — paysage surréaliste où deux silhouettes contemplent une créature aérienne aux formes organiques — traduit à merveille la tension entre le terrestre et le cosmique, le minéral et le vivant. Ce visuel, à la fois inquiétant et contemplatif, évoque l’univers sonore du duo : des paysages mentaux sculptés par l’orgue, la batterie et la voix, où la matière semble en perpétuelle métamorphose. Les clips prolongent cette esthétique en mêlant imagerie rétro-futuriste, symbolisme ésotérique et textures analogiques : un monde où la musique devient vision. Moundrag ne se contente pas d’un son, il façonne un imaginaire total, à la fois psychédélique, organique et profondément humain.
De la transe au cosmos : les alchimies sonores de Moundrag
Les inspirations musicales de Moundrag plongent leurs racines dans les années 70, entre le souffle mystique du rock progressif et la fureur du heavy psyché. Le duo convoque l’esprit de Deep Purple, Emerson, Lake & Palmer ou Magma, mais le transpose dans un cadre contemporain, plus brut et viscéral. Sans guitare, Moundrag réinvente la puissance du rock à travers un orgue Hammond rugissant, des nappes de mellotron et une batterie quasi tribale. Cette contrainte instrumentale devient moteur de créativité : les textures se densifient, les rythmes se fracturent, les harmonies s’étirent dans une tension permanente entre le sacré et le sauvage. L’ajout de chœurs, de violon, de basse et d’accordéon sur Deux vient élargir cette palette, donnant au groupe une dimension quasi orchestrale sans jamais perdre la rugosité initiale du duo.
Le processus d’écriture et de production de Deux s’inscrit dans cette recherche d’équilibre entre énergie brute et architecture soignée. Enregistré au studio TAF Panoramix avec la complicité de Goudzou à la basse et à la co-production, l’album a été construit comme un voyage en plusieurs actes : chaque morceau est pensé comme une scène, une montée, une libération. Moundrag s’attache à capter la spontanéité du live — les saturations naturelles, la respiration du jeu — tout en peaufinant un mix ample, organique, presque cinématique. Le mastering de Hans Olson parachève cette approche en ouvrant le son vers un espace profond et enveloppant. Deux est ainsi le fruit d’un artisanat minutieux, où la passion du vintage rencontre une conscience moderne du son : un disque pensé comme une expérience totale, à la fois charnelle et cosmique.
Ascension organique : un voyage sensoriel à travers Deux
Dès les premières mesures de Stormdrummer, l’auditeur est happé par une énergie tellurique, une pulsation primitive qui prépare le terrain à The Caveman, véritable incantation rythmique où l’orgue semble rugir depuis les entrailles de la terre. Puis vient Changes, morceau charnière où les chœurs s’élèvent et la tension se mue en lumière : un moment de pure catharsis. Avec Limbo, Moundrag plonge dans la transe — sept minutes suspendues entre introspection et déflagration, où le temps semble se dissoudre dans un espace cosmique vibrant. Black Flames renverse ensuite l’équilibre, plus frontal, plus viscéral, avant que Morning Epitaph n’offre une accalmie poignante, portée par le violon de Stéphanie Duvivier, comme un au revoir murmuré à la tempête. Enfin, Night Lights referme le voyage sur une note d’étrangeté et de plénitude, laissant l’auditeur entre rêverie et vertige. Deux n’est pas seulement un album à écouter : c’est un rite d’immersion, une traversée émotionnelle où chaque morceau agit comme un passage initiatique entre la matière et l’infini.
Avec Deux, Moundrag ne se contente pas de confirmer : il s’élève. Le duo transforme sa formule brute en un langage orchestral, plus ample, plus habité. Là où Hic Sunt Moundrages dévoilait un univers, Deux en construit la géographie.
C’est un album qui s’écoute comme on explore une carte : avec curiosité, vertige et émerveillement. Derrière la fureur rythmique et les nappes d’orgue, on entend battre quelque chose de profondément humain — une quête de grandeur sincère, sans calcul. Deux s’impose ainsi comme l’un des disques les plus singuliers et généreux du rock psyché français contemporain.