Interview avec Ashen au Hellfest 2025

Interview avec Ashen au Hellfest 2025

12 septembre 2025 0 Par Nina

Au Hellfest cette année, nous avons eu l’occasion de rencontrer Clem et Tristan du groupe Ashen. Entre la sortie retardée de leur premier album, leurs inspirations profondes et la manière dont ils transforment leurs expériences personnelles en musique, le duo nous a livré une discussion sincère et passionnée.Retour sur cet échange au cœur d’un festival brûlant, mais riche en émotions.

 

Bonjour, pour commencer, merci pour votre temps, c’est cool. Donc votre nouvel album a eu un retard de délai à cause des productions de vinyles. Est-ce que ça a changé votre perception de la sortie ?

Clem : Oui carrément. Au début, on s’est dit, c’est la merde parce qu’on voulait qu’il sorte une semaine avant le Hellfest. On a vraiment tout fait pour que ça se passe comme ça. Et en fait, on a décidé de voir le bon côté des choses dans le sens où, ça nous laisse trois mois pour faire la promotion.
Et en vrai, personne nous connaît, tu vois. Je préfère me dire : et si on construisait tout depuis maintenant pour lui donner encore plus de poids et le faire avoir une meilleure vie…
Tristan : C’est ça la problématique avec la date initiale. En fait, c’était qu’on avait très très peu de temps entre le moment où on livrait et le moment où on sortait l’album. Ce qui fait que forcément, ça réduisait considérablement le temps de promotion.
Forcément, ils avaient un mois et demi, deux mois, donc c’était très très short.
Et encore, je dis un mois et demi, deux mois, je suis très gentil… Donc forcément, en fait, c’est un mal pour un bien.
C’est ce qu’on a fini par se dire et on s’est rassurés en se disant ça.
Et effectivement, là, avec l’accompagnement qu’on a, on a très bien vu sous les conseils de tous nos partenaires, qu’effectivement, c’était une très bonne chose, mine de rien que ce soit repoussé.
C’est sûr que, nous, on s’est tellement donnés sur cet album-là, on a tellement essayé de respecter les délais que voilà…
En bout de course qu’on nous dise finalement, les fabrications chient un peu dans la colle. Du coup, on le repousse de trois mois. On avait un peu les nerfs quoi.
Clem : Ce qui est frustrant en plus de ça, enfin, genre, je sais que c’est un peu… On l’a dit, mais je pense que les gens doivent se dire ouais, ils disent ça parce que… Mais on l’a vraiment su une semaine avant, quelques jours avant même, moins d’une semaine.
Donc en fait, nous, on est là, on reçoit des messages de gens qui nous disent « ouais l’album trop hâte, trop hâte » en messages privés et toi, tu es là.
Ouais et genre quelques jours avant, tu apprends que ça va être repoussé. On ne pouvait rien dire et là, on s’est sentis cons.
Tristan : Ouais puis que tu prépares toute ta com et tout. Enfin, il y avait des choses qui étaient déjà prévues quoi. Donc là, en fait, tu revois absolument tout et voilà…

C’est vrai que c’est un peu galère…

Tristan : Mais bon, effectivement, on a quand même beaucoup réfléchi à ça. Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de positif aussi là-dedans.
C’est sûr que c’est un peu frustrant, surtout pour un premier album. On aurait bien voulu que ça se passe correctement, surtout que nous, on a joué le jeu en fait sur tous les délais. Maintenant voilà, c’est pas des choses qu’on peut maîtriser ça clairement hein.

Mais bon, c’est quand même dommage que ce soit juste si peu de temps avant.

Tristan : Ouais, c’est sûr. Exactement.

Si vous devez décrire l’album en une entité, qu’est-ce que ce serait ?

Clem : C’est un voyage introspectif dans le but de découvrir notre vrai nous et surtout de comprendre comment est-ce qui se fait.
Et on se sert beaucoup de nos expériences personnelles comme tous les artistes qui nous touchent pour essayer de délivrer un message qui soit authentique et puis qui soit comme un voyage un peu, tu vois… intérieur.
Et le but, c’est d’essayer de faire vivre cette chimère, si tu veux, qui est l’accumulation de traumatismes et d’expériences personnelles qui finissent par te modifier.
Et le but, c’est d’en faire quelque chose que tu comprends.
Et donc on parle de sujets qui nous touchent, nous d’abord, mais qui, en définitif, finissent par paraître universels parce que tu sais enfin, on ne prétend pas inventer la roue non plus.
Il ne faut pas se mentir, les trucs qui touchent, ça touche aussi touche tout le monde.
Donc ce que nous, on essaie de faire, c’est de raconter ces histoires-là avec notre manière à nous, nos mots à nous.
Et surtout notre image, on essaie d’utiliser nos inspirations esthétiques, visuelles, très hors metal pour essayer de se créer un genre, ce qui est, je pense, le propre de tous les artistes, tu vois.

Des bons artistes (rires).

Clem : Oh bah écoute. Si Dieu le veut, l’avenir nous le dira (rires).

Qu’est-ce qui a été la première étincelle qui vous a fait dire : bon ok, je fais cet album comme ça ?
Est-ce que ça a été de la tristesse, un peu de la colère ?

Tristan : Comment on dirige cet album plutôt, je pense que ça s’est fait naturellement aussi.
Sachant qu’avant cet album-là, on a eu quand même un EP qu’on appelait Single Collection, mais qui nous a quand même pas mal aidés à aiguiller aussi la direction artistique de l’album, même dans le propos, dans ce que Clem voulait raconter.
Donc en fait, ça s’est fait assez naturellement. Suite déjà à cette première release qui était un EP de six titres avec Smells du coup, qui était une cover.
voilà peut-être que Clem tu veux rajouter un peu là-dessus? Mais je pense que ça nous a quand même pas mal aidés aussi à savoir où aller, savoir ce qui marchait, ce qui ne marchait pas, ce qu’on aimait traiter et ce qu’on n’aimait pas.
Clem : Je pense aussi que ce qui a vraiment déclenché l’album, c’est l’écriture de Chimera, le premier single de l’album qui est sorti fin 2023, qui nous a fait dire qu’on pouvait aussi étendre le lore et vraiment essayer de faire comprendre aux gens qui est Chimera véritablement.
Parce que justement, cette version idéalisée de nous-mêmes qui jaillit quand notre ego prend le dessus, mais qui en fait, le nous, qu’on rêverait d’être et qui vient justement, qui est un peu cette espèce de symbolique du guerrier intérieur qui a réussi à tout surmonter et quand on a écrit Chimera, je me suis dit mais en fait.
Est-ce qu’on n’essaierait pas de faire comprendre aux gens au travers de toutes ces expériences-là, comment on fait pour atteindre cet état-là, tu vois ?
Cet état presque un petit peu galvanisé, tu sais de… putain, je peux être immortel, même si j’en ai chié.
Tu sais, c’est pas parce qu’on a vécu des choses dures qu’on se doit de se laisser abattre. Et ce, peu importe, même si c’est extrêmement violent.
Et ce que j’aime avec Chimera, c’est que justement, ça nous semble être un personnage fictif, mais il peut être invoqué.
Tu vois, on peut dire dans les moments de difficulté, j’essaierai d’incarner cette personne-là, tu vois pour… Même si c’est qu’une façade.

Ouais, l’alter ego.

Clem : Exactement, même si c’est qu’une façade, parce qu’évidemment, c’est qu’une façade des fois d’être là et se croire fort alors qu’on est dans le bas.
Mais je pense qu’on peut s’autoconvaincre, en fait, si tu veux des fois.
Et c’est cette étincelle-là qui a fait naître l’album où on s’est dit, on va essayer de dresser ce tableau-là au fur et à mesure et d’essayer d’en tirer quelque chose de bien, même si c’est difficile.

C’est mieux d’avoir un alter ego. (j’ai bugué sur mes mots) Excusez-moi, je suis un peu fatiguée…

Tristan: (rire) T’inquiète. Ouais, t’as pas faim ? J’imagine même pas tes journées.

Mais là, ça va, c’est la chaleur surtout.

Clem : Ton séjour même (rires).

Le séjour était dramatique, surtout hier, c’était dramatique. (rire)

Tristan : Ouais avec les températures et tout.

Donc, vous êtes connus pour vos textures un peu organiques et très sombres. Sur ce premier album, vous avez exploré des émotions un peu…
Enfin, traduction très mauvaise (j’avais écrit les questions en anglais à la base). Est-ce que vous aviez envie d’explorer des nouvelles émotions plus que sombres ou organiques ?

Clem : Sombres et organiques. Ah bah en vrai, je pensais que tu parlais du son en fait.
Au départ, je me suis dit : Organique, pas trop ça, parce que c’est quand même très, très moderne, tu vois. Mais, je pense que tu parles plus des thématiques pour le coup.
Tristan, je te laisse répondre du coup.
Tristan : On a surtout cherché à raconter certaines émotions autrement.
C’est que même si on puise dans des émotions qui peuvent parfois s’en mettre comme étant beaucoup de colère, de tristesse, on a quand même un peu abordé le deuil, chose qu’on n’avait jamais fait jusqu’ici, et d’une manière un peu hors metal. Même si c’est présenté à nous aussi à ce moment-là et que je pense que toi, tu as ressenti le besoin aussi à ce moment-là d’extérioriser de cette manière-là.
Il se trouve qu’on était en pleine créa à ce moment-là, donc tombé à pic.

Façon de parler–

Clem : Bien sûr, mais c’est en même temps vrai aussi triste que ça puisse être.
Et on avait envie d’écrire un morceau un peu hors metal, parce qu’un album, c’est aussi le meilleur moyen de faire comprendre aux gens qu’est-ce que ton groupe pourrait être.
Donc on s’est dit : Et si on n’écrivait pas un morceau un peu inspiré Brit Pop ?
Un truc très différent de ce qu’on a pu faire.
Et on l’a fait, on a parlé d’un sujet au départ un peu hors champ et qu’on a finalement complètement intégré parce que les deuils déforment. Ça déforme les gens, ça déforme l’âme complètement. Et des fois, on a l’impression qu’on ne s’en remettra jamais.
Et en vérité, ce que je retiens de tout ça, puisqu’on a vécu des choses difficiles tous dans nos vies, en fait, en enchaîne.
Le deuil nous a tous atteints très fortement dans la chair à des âges très jeunes, en ayant perdu des gens très proches, moi encore très récemment, et je ne pense pas que je resterai le même.
Et c’est OK. C’est ça que j’avais envie de délivrer aussi comme message.
Je pense que ce que j’ai envie de dire aux personnes qu’on a perdues, c’est : j’essaierai d’y arriver.
Je sais que ça sera ça qui va rester. T’inquiète pas pour moi, j’essaierai d’y arriver, mais ça ne sera plus jamais pareil. C’est triste, mais nique sa mère, c’est comme ça.
Et on l’a écrit dans une version d’Ashen qui n’a jamais été faite comme ça.

Il faut que j’arrive à traduire en même temps. (rire)

Tristan : T’inquiète pas, prends le temps.
Clem : Ceci est ton job. (rire)

Ouais. Mais quelle idée de la faire en anglais, oulala !

Clem : Mais tu pensais qu’Ashen était un groupe anglais ?

Non, mais non, c’est juste qu’en fait, je fais toutes mes interviews en anglais, quasiment. Donc, du coup, je suis restée dans le délire et voilà.

Tristan : (rire) Ok, ok. Mais si tu nous la fais en anglais, cette interview, je pense pas qu’elle sera vraiment très bien. Enfin, pour nous. De notre côté. (rire)
Clem : Alright alright I can switch. (rire) non je rigole.

Alors, comment vous naviguez entre le chaos de production studio qui pourrait arriver et le chaos que vous pouvez vivre sur scène, par exemple? Quelle est la différence entre être en studio et sur scène ?

Tristan : En studio, je pense que tu es un peu seul avec toi-même et quand tu es sur scène, tu nourris aussi d’expériences et de ce que tu as en face de toi pour pouvoir, justement, essayer de te transformer un tout petit peu, essayer d’explorer aussi des trucs que tu ne trouves pas en studio parce que tu es enfermé entre quatre murs et tu as juste un producteur dans un top back qui dit : « Écoute, tu devrais chanter comme ça, un peu plus droit là, regarde ».

Est-ce que des fois, sur scène, vous avez des idées qui pourraient vous dire : tiens, ça, je pourrais utiliser dans un studio, par exemple, ça pourrait être sympa genre des sons etc…

Tristan : Des sons, je ne sais pas. Je sais que Clem, lui, quand même, intellectualise pas mal ses performances.
Je sais qu’il essaye toujours de rectifier pour le bien, évidemment, sa performance, toujours. Moi, je suis un peu dans une exécution très, très régulière.
Évidemment, je suis toujours un point derrière pour savoir comment ça s’est passé, si j’ai des choses à corriger, mais ce n’est pas le même instrument non plus, tu vois.
Clairement, moi, le son de la drum, il sera toujours pareil. Alors que Clément, il est quand même sujet à beaucoup de choses avec sa voix.
Donc ouais, je dirais que Clem, pour ça, je pense qu’il est quand même plus exposé, il doit corriger plus de choses que moi sur scène. Et puis c’est vrai, la proximité aussi avec le public, pour le coup, influence aussi… le fait que moi, je suis un peu dans ma cabine.
Mine de rien, c’est marrant parce que je me retrouve un peu dans la même configuration, bien que ce soit sur scène.
Je suis un peu toujours au même endroit, alors que Clem, il va aller chercher les gens.
Forcément, il va arriver à capter des trucs que moi, je ne vais pas arriver à capter.
Donc voilà. Mais ouais, on s’inspire évidemment d’à peu près tout.
Pour revenir à ta question, je pense que tu es inspirante.
Jean-Philippe, qu’on a croisé tout à l’heure, sera inspirant pour nous.
Un chat qu’on va croiser, on va le trouver inspirant. On va le sampler.
Clem : On va sampler un miaou. (rire) En vrai, pour te donner un peu mon ressenti vis-à-vis de ça, je sais que c’est plus la scène qui vient inspirer la musique que la musique inspire la scène.
C’est-à-dire que quand nous, on est sur scène et qu’on voit comment réagissent les gens, on voit comment est-ce que nous, on fait la performance.
Après, on peut avoir envie d’écrire tel ou tel morceau.
Mais il y a rarement un truc qui se passe sur scène, un son où : Tiens, je n’ai pas pensé à le jouer comme ça.
Du coup, on enregistrerait, on ferait ça parce qu’on est tellement conditionnés à devoir être dans la même exécution, on essaie de ne pas aller en impro.
Il n’y a pas de place aux choses où on se dit : j’y avais pas pensé.
C’est toujours le même son dans les oreilles. Précision dans ce qu’on essaie de délivrer.
Mais par contre, dans le ressenti, à terme, je peux dire : Il faut que j’arrête d’écrire des trucs comme ça, trop énergivores. Ou on a fait un son où les gens vibraient de cette manière-là. Et si on écrivait un son comme ça pour essayer de se retrouver encore plus fou. Ça, ça arrive beaucoup. C’est plus la scène qui est inspirante. Mais dans ce que disait Tristan, je le retrouve, c’est que c’est vraiment plus l’énergie des gens qui finissent par nous faire dire : Comment est-ce qu’on doit écrire ?
Tristan : Oui, en fait, c’est ça. On a beaucoup transformé notre manière de faire en studio parce qu’on a envie d’être plus efficaces aussi en live. Au début, on était quand même… Ce n’était pas un truc qu’on connaissait, le live, donc on écrivait pour nous sans savoir quel impact ça aurait instantanément sur les gens.

Ouais des trucs protocolaires ou scolaires…

Tristan : Ouais, c’est juste : Écoute, on écrit un truc, on verra si ça plaît. (rire de Clem)
Sauf que là, maintenant, si tu veux, on a quand même la possibilité de pouvoir les montrer à un public et de voir aussi comment ça réagit. De prime abord, c’est peut-être aussi des gens qui ne nous connaissent pas. L’idée, c’est de savoir et d’arriver à trouver une formule qui pousse les gens à s’intéresser au projet, évidemment, mais aussi qui pousse les gens à kiffer l’instant présent. C’est toute la différence entre ce qu’il y a eu avant et ce qu’il y a maintenant, parce que Clément expliquait, c’est qu’on s’inspire beaucoup de ce qu’on voit quand on est en live et on essaye d’adapter les morceaux aussi en fonction de ça, des BPM, des tonalités, des intensités de voix. Évidemment, ça pèse aussi dans la balance quand on est en studio, où on se dit : Là, il nous faut un track pour le live. C’est ce qui s’est passé derrière avec Cover Me Right qu’on a joué aujourd’hui au Hellfest. Qu’on a vraiment taillé pour le Hellfest.
Clem : Qu’on a écrit d’ailleurs pour le Hellfest. Le dernier single qu’on a sorti, c’était : On s’est dit : Les gars, il y a un Hellfest. Et si on écrivait un morceau Slipknot ? Let’s go, RAB total et on l’a fait. Et let’s go. Et tu vois, par exemple, les premiers morceaux qu’on a écrits, genre si je devais réfléchir à Nowhere et Hidden, qui sont des morceaux très difficiles à exécuter en live, eh ben, on n’a plus envie d’écrire des morceaux qui nous donnent l’obligation d’être rivés sur le manche, vraiment à ne plus penser qu’à notre exécution parce qu’on a envie de kiffer avec les gens. Donc ça modifie clairement notre rapport à l’écriture.

Apparemment, il faut que je coupe, on vient de me faire un signe. Je suis désolée (rires).

Clem : Aucun soucis, merci à toi.
Tristan : Merci.

Conclusion

Cette rencontre avec Clem et Tristan d’Ashen met en lumière un groupe qui construit son univers avec authenticité et intensité. Entre introspection, énergie scénique et volonté de toujours repousser leurs limites, Ashen confirme qu’il faudra compter sur eux dans les mois et années à venir. Leur premier album s’annonce comme une étape marquante de leur parcours, porté par une sincérité qui résonnera bien au-delà de la scène du Hellfest.