Interview avec Death Decline au Festival 666, 2025
18 août 2025 0 Par NinaSous un soleil de plomb et face à un public brûlant d’énergie, Death Decline a fait trembler la scène du Festival 666. Juste après leur passage, Alexis nous a accordé un moment pour revenir sur le show, parler de leur musique, de leurs inspirations, et partager quelques anecdotes savoureuses entre humour noir et sincérité brute.
Alors du coup, en sortie de scène, comment s’est passé le concert pour toi ?
Alexis : C’était cool, vraiment super cool ! Je pense parler au nom de tout le groupe : le moment était assez dingue, on a eu un accueil top, le public était au rendez-vous et les conditions étaient incroyables. On était très, très bien ! Ça s’est super bien passé… un peu trop vite, mais super.
C’est vrai que le public a été présent, même si la chaleur était étouffante.
Alexis : Ouais. On a eu la chance, je pense, de jouer à un moment où l’ombre avait déjà bien atteint la fosse, donc les gens cramaient un peu moins. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre et franchement, ça a été assez dingue.
Parlons un peu de votre musique. C’est quand même assez violent : comment vous dosez la précision et la brutalité en même temps ?
Alexis : Écoute, on ne se pose pas trop de questions. Avec Decline, on a toujours fait comme ça, en fonction des influences de tous les membres du groupe. Pour se coller une étiquette, même si on n’est pas les plus doués pour ça, on va dire qu’on fait du thrash/death un peu moderne. On a tous des influences variées et, inconsciemment, le but du jeu est d’essayer de les mixer ensemble pour sortir quelque chose d’à peu près cohérent. Mais on n’est pas des grands techniciens de la compo, on ne théorise pas beaucoup. Si un riff nous plaît, on le met dedans. Même si c’est un riff plus death, plus black, plus heavy, on l’intègre. On essaie de garder un équilibre, notamment moi au chant entre les passages un peu plus doux et ceux plus vénères. Parce que si c’est juste gueuler sur quelqu’un pendant 45 minutes, l’oreille s’habitue et tu perds en relief. Même si certains styles marchent très bien comme ça.
Tes textes penchent souvent vers la dystopie, la folie, la fin du monde… Quelle est l’idée la plus terrifiante que tu as tenté de mettre en musique ?
Alexis : Comme on en parlait vaguement hier, quand tu es un groupe de cinq, c’est difficile de mettre en exergue une seule pensée. Le truc qui me terrifie le plus ne sera pas forcément le même pour les copains. Du coup j’essaie de garder une vue d’ensemble. Tout le monde a son droit de regard sur les textes, mais ils m’ont toujours fait confiance. La chose la plus terrifiante dont j’ai pu parler ? Sans grande philosophie : ce qui se passe actuellement. Le groupe a un peu plus de dix ans, j’y suis depuis un peu plus de 10 ans. On a toujours parlé de choses assez moches, et on a toujours constaté que ça ne change pas vraiment. La cruauté du quotidien est devenue quelque chose d’assez horrible à mettre en paroles.
Hier tu me disais que tu avais plusieurs groupes, et que tu réservais certains thèmes plus personnels à d’autres formations.
Alexis : Oui. Hors Death Decline, j’ai la chance d’avoir un autre projet où je peux parler de choses plus personnelles. Non pas que les gars ne seraient pas d’accord, mais je trouve que ce n’est pas la place. Death Decline n’a pas vocation à être un vecteur de ce genre de choses. Même si je fais attention à mes textes et que j’ai besoin de croire à ce que je chante sur scène, je ne vais pas aller dans des trucs super deep et persos. Ce n’est pas le but de ce projet-là. On est avant tout cinq copains — six avec celui qui s’occupe de notre son — on vit une aventure humaine incroyable, on se soutient depuis des années et on a vu le groupe grandir. C’est dingue… et je n’ai pas envie de polluer ça avec mes casseroles perso.
Imaginons : on te confie la BO d’un film d’horreur, ce serait lequel ?
Alexis : Je pense pouvoir parler pour moi et Fab : probablement un bon Carpenter. Simple, efficace. Pas du tout original : Halloween, éventuellement. Sinon, si tu nous poses la question bourrés, on part sur un solide Bad Taste.
On verra ce soir dans la piscine* (rires).
Alexis : Voilà, c’est ça… s’il y a un dauphin !
— Ah oui, j’ai d’ailleurs toujours pas demandée pourquoi les Dauphins (rires)
Alexis : Mario, c’est déjà plaint au moins trois fois qu’il dit qu’il n’y avait pas de dauphin.
— Fallait prendre un gonflable.
Beaucoup de groupes français essaient de cacher leurs origines. Ce n’est pas votre cas. Tu penses que ça vous donne une force en plus ?
Alexis : C’est un regard que je n’ai jamais eu. J’ai croisé des groupes qui pensaient que c’était un frein, parfois, d’être français. Ça peut l’être, surtout si tu chantes en français, à part dans le black. Là oui, ça peut être compliqué vis-à-vis de certaines personnes, même si certains s’en sortent très bien. Mais nous, on n’a jamais caché qu’on était français. Je trouve ça un peu con, d’ailleurs. On a une super scène en France. Sans tomber dans les bisounours : on a plein de groupes cool, certains ont même été pionniers dans leurs styles. Il y a aussi des labels qui sont allés chercher des groupes partout en Scandinavie et ailleurs. La scène existe depuis longtemps. On n’a pas toujours les infrastructures pour, et aujourd’hui le plus dur pour les gamins qui se lancent c’est qu’il n’y a plus beaucoup de petits cafés-concerts. Mais la France n’a pas à rougir. Ceux qui disent “ouais, un groupe français c’est pas fou”, c’est surtout par manque de culture. On a eu et on a encore des groupes incroyables, dans tous les styles.
Si Death Decline était un gang post-apo, quelle serait ton arme signature et à quoi elle servirait ?
Alexis : Ça fait plus de 20 ans que je suis cuisinier, donc je vais partir sur un bon couteau de cuisine. Ça tient bien, c’est robuste, tu peux l’utiliser partout. Mais si les autres ont des guns, je vais vite me faire allumer. (rires) Alors je pactiserai avec l’ennemi en faisant à bouffer. Mon secret serait ça : vendre mon cul et des petits pains.
— Bah remarque, c’est des petits pains aussi finalement. (rires)
Alexis : Ouais ! (rires) Je resterais dans un domaine que je connais. Si tu me files un gun, je suis capable de me foutre en l’air sans faire exprès. Donc ouais, un couteau, et je revisite les 36 façons de bouffer un gamin.
Imaginons que tu es coincé dans une boucle temporelle, et que tu peux écouter qu’un seul morceau de Death Decline jusqu’à la fin des temps. Lequel tu choisis sans problème, et lequel te rend fou direct ?
Alexis : Celui que je pourrais écouter sans vriller direct, ce serait probablement Built for Sin. C’est le morceau titre du premier album, il est super long, 13 minutes. Ton oreille s’habitue, il y a des passages un peu plus clean, ça crée du relief, donc tu ne te fumes pas trop vite. Et ça ramène un bon souvenir… même si au bout de deux écoutes je pense que ça saoulerait. (rires) Mais petite actu en exclu : comme c’est les 10 ans de l’album, on va sortir un petit EP anniversaire en fin d’année, avec un nouvel enregistrement de Built. Parce que l’ingé son avait fait ce qu’il pouvait, mais on était jeunes et pas expérimentés. L’album avait souffert de nos erreurs de jeunesse. Donc il y aura une version retravaillée, dans la même démarche que Architect of Fear qu’on avait ressorti.
Et celui qui me rendrait fou ? Je pense que ce serait Enslave the Weak, du premier album aussi. De manière générale, les morceaux du premier étaient trop longs. Celui-là était interminable, on l’a beaucoup joué en live, et je pense que c’est celui que je ne voudrais jamais réécouter pour l’éternité.
Si votre prochain album devait tourner autour d’un seul concept, ce serait quoi ?
Alexis : Oh putain… Vas-y, la paix dans le monde. (rires) Allez, disons que c’est arrivé et qu’on chante dessus. Non en vrai, je me ferais chier. Je pourrais plus être un gros connard cynique. (rires) Faut s’habituer avec la merde. Sinon, un concept que je n’ai pas encore traité : l’hubris. Ça pourrait être pas mal.
Vos concerts sont réputés pour être explosifs, on l’a vu encore aujourd’hui. C’est quoi le moment le plus absurde que tu aies vécu en live ?
Alexis : Pendant le concert ? Pas avant ni après ?
— Ouais.
Alexis : Alors… on a eu des moments épiques. Genre une grand-mère en fauteuil roulant qui se lève et vient me dire que je ressemble à Cavalera, alors qu’elle avait l’air morte 10 minutes avant. (rires) Des trucs comme ça. Mais je crois que le pire reste au Sillius Fest en 2017. Je me suis enculé sur un câble de guitare et j’ai fait la plus mauvaise chute de ma vie. Mon passé de judoka (2 ans, hein, pas plus) m’a poussé à mettre un coup en arrière pour me rattraper, et j’ai explosé mon micro au sol. Résultat : j’ai dû finir le concert avec un micro prêté. Tout était ridicule. Et oui, la scène a été filmée… et non, je ne la diffuserai pas !
En France, le death/thrash n’est pas toujours en première ligne. Qu’aimerais-tu laisser comme trace ?
Alexis : J’ai pas spécialement envie de laisser une trace à travers la musique. Je préfère me dire qu’avec cette passion, on a la chance de voyager, de rencontrer des gens, et que certaines personnes se souviennent de nous parce qu’on a passé un bon moment ensemble en fest. Essayer juste d’être un good guy avec les gens que j’estime viables.
Si l’histoire de Death Decline devait être une BD, ce serait quoi ?
Alexis : Oh la vache… ça dépend à quel membre tu poses la question. Moi, je te dirais un truc genre Little Kevin ou un vieux Mammouth et Piston. Mais si tu demandes à Arnaud, il te dira sûrement Gaston Lagaffe.
Dernière question : c’est quoi la suite maintenant ?
Alexis : On prépare l’EP anniversaire des 10 ans de Built for Sin, qu’on a très hâte de présenter. Quelques concerts arrivent en fin d’année, on a hâte de remonter sur scène. Et puis le leitmotiv du groupe reste le même : voir jusqu’où on peut aller. Ça fait plus de 10 ans que ça tourne, on s’entend toujours bien, on est toujours contents de faire des trucs ensemble. Petit à petit, on avance, on prend plus de plaisir, on rencontre des gens cool. Donc la suite, c’est simple : que rien ne change à ce niveau-là.
— Ok, et bien je vous souhaite que du bien, et merci pour ton temps.
Alexis : Merci à toi pour l’interview ! Et maintenant, on va aller se mettre quelques bières. (rires)
Conclusion :
Entre violence musicale assumée et humour décalé, Death Decline confirme au Festival 666 qu’il est l’un des fers de lance de la scène thrash/death française. Brutal, sincère et sans concession, le groupe prouve qu’au-delà de la noirceur des thèmes, il y a surtout une aventure humaine et une énergie fédératrice. Avec un EP anniversaire en préparation et toujours cette envie de pousser plus loin, Death Decline continue d’écrire une histoire où sincérité et puissance font loi.
* Notre journaliste Nina fut hébergée dans un gîte en compagnie du groupe lors du festival, gîte avec piscine, mais sans dauphins.