Bellum Regiis, HATE

Bellum Regiis, HATE

26 avril 2025 0 Par Starlord

 

La guerre des rois n’a pas d’âge, mais elle a trouvé sa bande-son.

Treize. Chiffre maudit ou invocation magique ? Pour Hate, il incarne la chance d’une nouvelle mue. Sur Bellum Regiis, le monstre de Varsovie laisse tomber les oripeaux d’un passé glorieux pour endosser une peau plus charnelle, plus humaine… et pourtant, plus glaçante que jamais. Ce nouvel opus, c’est la main de fer qui serre un cœur en feu. C’est la lame affûtée sur des siècles de conflits intérieurs et extérieurs.

 

Dès les premières mesures d’ »Alfa Inferi Goddess of War », on comprend que la bête n’a rien perdu de sa superbe. La guitare tranchante comme la vérité, les roulements de Nar-Sil qui écrasent le silence, la voix de Sinner qui éructe des versets brûlés par le temps. C’est un déluge maîtrisé, une catharsis de violence intelligente. La production signée David Castillo n’écrase rien : elle exalte. Elle fouille les moindres recoins de cette messe noire, laissant résonner les respirations, les silences, les soupirs perdus au fond du mix.

Mais Bellum Regiis n’est pas juste un nouveau brûlot dans la discographie déjà imposante de Hate. C’est une œuvre de transition. Une lame double. À la fois conceptuel et viscéral. À la fois ancré dans l’antique et douloureusement contemporain. Ce n’est pas un album qui vous parle. C’est un album qui vous scrute. Qui vous jauge. Qui vous demande : « Et toi, que serais-tu prêt à sacrifier pour régner ? »

Le titre éponyme est une tragédie en trois actes. L’élégance vocale d’Eliza Sacharczuk y plane comme un spectre au-dessus d’un champ de ruines. Il y a dans ce morceau une noblesse moribonde, un dernier éclat avant l’effondrement. L’image du roi à genoux, couronne de travers, regard vers l’abîme, s’impose d’elle-même. Le pouvoir, ici, est autant poison que prière.

Et puis il y a « Iphigénie », ce cri antique qu’on croirait sorti tout droit d’un amphithéâtre ensanglanté. Sinner y mêle la mythologie et l’intime, l’héroïsme et la résignation. Ce n’est pas juste une chanson. C’est un miroir tendu à notre époque, où le sacrifice est devenu un outil de communication, un hashtag, un buzz. Hate nous rappelle que le vrai don de soi ne fait pas de bruit. Il saigne en silence.

Dans « Ageless Harp of Devilry », Hate renoue avec les ombres d’Erebos, mais les fait danser sous une lumière nouvelle. Plus large, plus nuancée. On y entend presque le vent de la steppe, les murmures de Veles, les chaînes brisées de la foi aveugle. La guitare se fait corde sensible. Le growl, confession.

Bellum Regiis, c’est aussi une déclaration d’intention. Celle de ne jamais se contenter, de toujours pousser la bête à sa limite. Domin, Tiermes, Nar-Sil, et Sinner ne se regardent pas dans le miroir de leurs anciens exploits. Ils le brisent, et s’en servent pour écrire un futur plus tranchant encore.

« The Vanguard », en clôture, n’est pas qu’un morceau rapide. C’est un assaut, une charge. La Scythie d’hier, l’Europe de demain, les ruines de nos empires modernes. On ne sait plus si c’est le passé ou l’avenir qui parle, mais tout brûle avec la même intensité.

 

Verdict ? Bellum Regiis est un album qui pense autant qu’il cogne. Un cri de guerre érudit, une fresque sonore gravée au burin. Le genre de disque qui ne s’écoute pas : il se vit, il se combat, il se ressasse. En 2025, peu de groupes parviennent à allier fond et forme avec cette classe noire. Hate, eux, signent leur chef-d’œuvre.